Entre requalification des faits, engorgement des tribunaux et coûts exorbitants, la cour criminelle départementale est-elle la solution ?

Depuis le 1er janvier 2023, les Cours Criminelles Départementales (CCD) viennent remplacer les cours d’assises pour les crimes passibles de vingt ans d’emprisonnement maximum. Pour ces affaires, les magistrats se passent des jurés populaires pour tenter de réduire les délais de jugements. 

Entre requalification des faits, engorgement des tribunaux et coûts exorbitants, la cour criminelle départementale est-elle la solution ?
Tribunal de Nantes, source : Pixabay

On déshabille Pierre pour habiller Paul " s’alarme Maître Poquet face à la généralisation des Cours Criminelles Départementales (CCD).

Initialement en test dans quelques départements depuis 2019, les CCD s’appliquent désormais dans toute la France. Composées uniquement de cinq juges professionnels, elles complètent le paysage juridique pénal aux côtés des cours d’assises. Ces dernières se maintiennent et statuent uniquement sur les crimes passibles de plus de vingt ans d’emprisonnement. En créant cette juridiction, l'objectif est d’accélérer le travail de la justice afin de désengorger les tribunaux tout en rendant un jugement de qualité, du moins en théorie. 

 

Les différents acteurs de la justice sont unanimes, il existe un véritable problème dans le traitement des affaires. Pour autant, les professionnels des métiers du droit s’inquiètent de cette juridiction. C’est le cas de Maître Benoît Poquet, avocat au barreau de Nantes : “ Ce que je vois, c’est qu’on signe l’état de mort de la cour d’assises. Je vous mets au défi de trouver quelqu’un qui affirme que ça [les cours criminelles] améliore la justice “. 

Partagée par de nombreux confrères, leur inquiétude se base principalement sur les buts de cette réforme. “ Certes ça va aller plus vite mais ne va-t-il pas y avoir des décisions plus dures du fait que ce soit uniquement des magistrats ? “ s’inquiète Astrid, une juriste pénaliste nantaise. 

Maître Poquet nous précise que “ les deux objectifs principaux sont de réduire les stocks et d’éviter la correctionnalisation." L’accomplissement de ces objectifs s’effectue au détriment d’un travail de qualité selon lui : “ J’ai vu une condamnation de quinze ans de prison rendue en 24 heures. La cour d’assise est une juridiction où l’on prend le temps d’écouter les victimes et les témoins ce qui n’est pas possible en 24 heures en cour criminelle.” 

 

Les professionnels pointent également le manquement démocratique. A contrario de la Cour d’Assises, la CCD ne se compose pas de jurés populaires, une aberration pour Maître Poquet : “ la présence des jurés est symbolique dans l’appréciation de la justice, qu’on enlève les jurés c’est assez critiquables. Ici, on enlève le peuple des salles d’audience. “

Mais cet avis n’est pas partagé par tous, comme en témoigne un gendarme de la région : “ Les jurés populaires sont influençables et c’est bien pour ça qu’il y a des avocats. Un président de cour n’est pas tellement influencé par les propos d’ordre moral, il va statuer uniquement sur les arguments juridiques et faire abstraction du reste “. 

Entre avis partagés et mitigés pour les différents métiers du droit, la cour criminelle départementale doit encore faire ses preuves pour convaincre la majorité.