Recrutement : les restaurateurs tiennent bon mais jusqu'à quel point ?

A Nantes, les professionnels de la restauration peinent toujours autant à recruter. Face aux différentes exigences des candidats, les restaurateurs changent de cap dans leur processus de recrutement.

Recrutement : les restaurateurs tiennent bon mais jusqu'à quel point ?
Benoist Alhinc dans sa pizzeria avec sa collègue, crédit : Alexandre Guricolas

Je rame, ça fait presque deux mois que je cherche ! “ désespère Benoist Alhinc, gérant de la pizzeriaColombine “ à Bouguenais-les-Couëts, commune proche de Nantes. Déjà l’été dernier, Jean Terlon, le vice-président de l’Union des Métiers des Industries de l'Hôtellerie (UMIH) annonçait une “ pénurie historique “ de personnel dans le secteur. “ Depuis le covid, il y a eu un point de rupture. Les restaurateurs doivent s’adapter aux exigences des salariés, et plus l’inverse ” ajoute Benoist Alhinc. 

Obtenir des week-ends de congé ou encore son samedi soir semblait encore impossible il y a quelques années. Désormais, les candidats n’hésitent plus à poser leurs conditions pendant le recrutement, quitte à ne pas être embauché : “ J’ai eu un candidat en essai, il m’a demandé de ne jamais travailler les vendredis soirs. C’est ma plus grosse soirée, je ne peux pas me permettre ça.” Des demandes de plus en plus exigeantes qui contraignent le gérant à refuser ces candidatures. Visant un public étudiant, le poste de pizzaïolo est toujours vacant depuis plusieurs mois. “ Avant, en dix jours c’était réglé ! Ça fait presque deux mois que je cherche, et je rame ! “ déplore Benoist. Gérant d’une TPE (Très Petite Entreprise), son équipe ne se compose que de deux salariés en plus de lui. A cette échelle, la moindre absence se ressent directement. Pour ce type de structures, les augmentations des salaires sont impossibles, chaque dépense est contrôlée et la marge de manœuvre reste très restreinte pour Benoist. 

 

L’adaptation au coeur des entretiens d’embauches

D’autres entreprises, quant à elles, assouplissent leurs conditions de recrutement, du moins dans une certaine mesure. Aujourd’hui, près de 70 salariés composent l’équipe de “ Suko ” à travers six restaurants répartis entre Nantes et la Haute-Savoie. Cette entreprise dédiée à la restauration rapide de produits japonais n’est pas épargnée, ce que confirme Elodie Doucet, chargée des ressources humaines de la structure :  “ On s’adapte aux candidats. Une annonce généraliste est postée sur Indeed, puis on fait le tri pour, en entretien, échanger avec le candidat sur son projet. En contrepartie, nous allons être plus exigeants dans notre recrutement. On a un large choix de candidatures, on peut se le permettre. “ 

Afin de pallier ces difficultés de recrutements, Elodie Doucet met un point d’honneur à la fidélisation des salariés : “ La marque employeur est un élément essentiel pour nous, elle permet de préserver une bonne image de l’entreprise par nos salariés étant en poste, mais aussi à ceux qui ont quitté l’entreprise. Et ça marche ! Le mois dernier nous avons recruté un étudiant grâce aux recommandations de l’une de nos salariés.” 

Selon elle, ce changement radical dans le recrutement s’inscrit également dans un contexte générationnel : “ C’est un constat strictement personnel, je pense que nous sommes dans une ère de consommation rapide que ce soit à travers l’alimentation, mais aussi avec la mode, avec la fast fashion et même avec le travail. Je pense qu’on se détache plus facilement d’un métier qu’à une autre époque. Si ça ne va pas, on s’en va. C’est peut être pour ça qu’en restauration, on a des difficultés de recrutements.” 

 

Vers une évolution de la profession 

Des solutions tentent d'être apportées, aussi bien à l’échelle locale que nationale. Olivier Dardé, président de l’UMIH du département de la Loire-Atlantique (44), affirme que “plusieurs pistes sont en réflexion pour répondre à ces problèmes de recrutement.” Ces idées englobent l’ensemble des métiers du secteur, passant de la réduction du temps de formation des serveurs à l’évolution des heures de travail : “ La demande n’est plus la même. Nous avons différentes commissions qui réfléchissent à ces modifications comme par exemple l’évolution des coupures, des deux jours hebdomadaires de repos consécutifs ou encore des week-ends."  

Olivier Dardé le constate, il est important de valoriser la profession et de prendre en compte les nouvelles demandes des candidats : “ les 18-25 ans sont plus exigeants dans leur recherche d’emploi, la filière doit s’adapter à cela “.

Manquant d’outils statistiques au niveau national, le président de l’UMIH confirme le projet de création d’un observatoire spécialisé. Il permettrait de regrouper les analyses et les statistiques de la profession afin de proposer des solutions adéquates.