Eric Montand : « Cette année pour Schubert, l’idée était d’être dans la convivialité »

Le Président de la Folle Journée , Eric Montand nous parle des spécificités de ce grand festival de musique classique.

Président, pouvez-vous nous rappeler d’abord ce qu’est la Folle Journée ?

Eric Montand : La «Folle Journée » est un grand festival de musique classique, un des plus importants d’Europe. Il concentre sur 5 jours plus de 200 concerts sur une thématique ou un artiste  donné. Ça se passe à Nantes, à la fin du mois de janvier et au début du mois de février tous les ans. C’est la 28ème édition en 2022, avec encore une fois une offre artistique énorme, des formats courts et des tarifs plutôt raisonnables, ce qui permet en fait de découvrir de nouveaux artistes et de populariser la musique classique. Cela permet aussi de faire venir sur nos lieux des personnes qui ne sont pas nécessairement des aficionados de la musique classique.

Comment faire pour attirer de nouveaux publics, qui ne sont pas forcément intéressés par la musique classique ?

On fait de plus en plus d’actions qui vont directement au contact des personnes. Nous avons bien sûr les concerts, où les personnes doivent se déplacer pour venir, mais également des actions où nous sommes plus proches des personnes, comme le Geister duo qui s’est déplacé dans le tramway pour jouer leur partition. On a installé un piano dans le tramway où ils ont joué tout l’après-midi. Ils étaient vraiment très heureux car ils ont discuté avec des jeunes qui n’écoutaient pas de musique classique. Nous sommes vraiment dans une démarche d’essayer de faire écouter cette musique à des gens qui ne vont pas l’écouter d’eux-mêmes.

Comment vous est venue cette idée ?

On a un partenariat avec la Semitan, nous avons regardé ensemble comment faire rayonner l’événement ensemble grâce à leur réseau. On l’avait déjà fait en 2021 sur la petite édition de la folle journée fin mai, où nous avions eu un quatuor de guitaristes.


Dans cet événement de la Folle Journée 2022, vous donnez une priorité aux artistes locaux ? Avez-vous des critères précis au niveau des artistes ?

On essaie vraiment d’avoir une pluralité de provenance des artistes. Des artistes japonais viennent, comme en 2020. Mais on a aussi des artistes du coin, du conservatoire de Nantes, qui se produisent dans les mêmes salles que les autres artistes, ce qui constitue la magie de cet événement. Nous avons des artistes originaires de toute l’Europe. Le côté artistique prime davantage que le pays d’où ils viennent. L’important, c’est leur manière de jouer et surtout que leur style corresponde au thème choisi pour l’édition.

Comment vous choisissez le thème pour chaque édition ?

C’est une discussion mais ce sont souvent des idées qui sont soumises par notre direction artistique. Cette année pour Schubert, l’idée était d’être dans la convivialité. Pour René Martin (organisateur de la Folle Journée, ndlr), la convivialité et la fraternité étaient très importantes dans cette période compliquée pour tout le monde. Il faut donc prendre le contrepied de cette période et proposer des offres fraternelles et conviviales.

En parlant de cette période, qu’est ce qui va différencier l’édition 2021 de l’édition 2022 ?

Au départ, l’édition 2022 devait ressembler à celle de 2020 mais on a vite compris que cela n’allait pas être possible. En principe, on devait avoir des animations, le kiosque, des concerts gratuits, donc une folle journée classique et complète. Mais avec les restrictions sanitaires intervenues en fin d’année 2021, on a été obligé de s’adapter. Nous avions différents scénarios en tête, et finalement, il s’est avéré que le scénario le plus compliqué que nous avions imaginé est celui qui s’est mis en place in fine. On a dû annuler la partie restauration debout et cocktail qui représentent une grosse partie de la folle journée. Ensuite, le kiosque ne peut pas être tenu et on gère désormais une jauge très difficile à mettre en place. En plus, nous avons manqué de temps car nous avons appris que l’édition était maintenue seulement deux semaines avant ! Nous avons dû travailler donc six jours sur sept, douze heures par jours pour construire un événement qui tenait debout.

Qui dit événement dit bénévoles, comment les recrutez-vous pour ce festival ?

On a une personne attitrée dans notre équipe pour la recherche de bénévoles. Beaucoup d’entre eux sont les mêmes d’une année sur l’autre, on a la chance d’avoir une vraie fidélité. Sinon, on utilise beaucoup les réseaux sociaux, comme le réseau éco-événement, où nous recrutons des bénévoles. Tous les ans, on a à peu près le même nombre de bénévoles, à savoir entre 150 et 200, qui sont mis en place sur différents secteurs : l’orientation du public, nous aider pour la boutique, pour les repas des professionnels. Beaucoup d’entre eux sont aussi en charge de gérer les entrées et sorties des spectateurs dans la salle.

Concernant les élèves du Conservatoire, cela doit être incroyable de pouvoir participer aux « folles journées » en étant mélangés à tous ces grands artistes ?

Ça doit être une expérience fabuleuse pour celles et ceux qui peuvent y participer. C’est pourquoi cette année était assez décevante, on n’a pas pu faire autant de concerts pour le conservatoire. Ils devaient quand même faire un concert devant des gens qu’ils ne connaissent pas. Il fallait également reproduire une journée où ils pouvaient présenter les oeuvres qu’ils ont travaillées pour la folle journée. Là, ils vivent la vie de l’artiste et peuvent imaginer vivre un jour cette vie au quotidien.

Dans quoi prenez-vous le plus de plaisir durant les folles journées ?

Les missions auxquelles je suis attitré sont très variées, et c’est vraiment ce que j’aime sur cet événement. On passe notre temps à s’occuper de considérations très logistiques sur la gestion du flux des personnes par exemple. Il faut également savoir gérer l’équipe, on a quand même 12 personnes en CDD qui travaillent aux « Folles Journées ». Il faut « les emmener avec nous » car ils sont présents sur un laps de temps très court. Nous avons également les relations avec les partenaires qui financent en partie l’événement, les relations avec la Ville de Nantes parce que l’événement a une dimension métropolitaine et politique assez forte.

Vos missions sont passionnantes et variées. Cependant, n’avez-vous pas l’impression parfois de ne gérer que les problèmes ?

En réalité, c’est un peu notre rôle. Nous nous devons de transformer chaque problème en solution. Notre priorité est que le résultat soit satisfaisant pour le public. Il est vrai que mon travail est stressant car nous avons énormément de points différents à gérer. Cependant, le fait d’être dans une structure comme la Cité des Congrès fait que nous avons beaucoup de personnes pour nous aider.

Après ces « Folles Journées 2022», quelle est la suite pour vous et quel est le travail d’une édition à une autre ?

Il faut d’abord clôturer l’édition précédente, avec beaucoup d’aspects juridique et financier. Ensuite, on doit assez rapidement réfléchir au thème suivant. Nous avons aussi les actions que nous menons tout au long de l’année, notamment culturelles dans des établissements généralistes ou professionnels. Ce sont des mécènes qui nous confient des missions et nous devons ensuite les animer, en travaillant notamment avec le rectorat, aider des personnes à acheter un instrument. La nouveauté cette année est que l’événement est organisé par la Cité des Congrès, donc nos équipes sollicitées sur la Folle Journée vont pouvoir aussi couvrir d’autres types d’événements par la suite, avant de revenir à 100% sur la Folle Journée.

Sur le plan personnel, comment êtes-vous arrivé dans ce domaine de la musique classique ?

Je crois beaucoup aux notions de destinée. Je n’ai pas nécessairement choisi de travailler dans le monde de l’événementiel, je suis rentré dans ce domaine là totalement par hasard et finalement vingt ans plus tard j’y suis encore et ce métier me plaît toujours autant. L’événementiel est un peu compliqué en ce moment mais on espère des jours meilleurs. Le fait d’être à la tête de la Folle Journée a aussi été un concours de circonstances. J’ai toujours été un grand fan de musique donc ça faisait sens !