Commémoration des 50 otages. « Ils étaient des précurseurs de la Résistance »

Commémoration des 50 otages. « Ils étaient des précurseurs de la Résistance »
Nantes, Monument aux 50 otages

A l’occasion du 80ème anniversaire de l’exécution des 50 otages, ce vendredi 22 octobre à Nantes, l’historien Loïc le Gac, co-auteur avec Didier Guyvarc’h d’un livre sur les 48 fusillés, revient pour nous sur les jeunes otages nantais fauchés par la barbarie nazie.

Le 11 novembre 1940, en pleine période de l’Occupation, les Nantais et les Nantaises sont les témoins d’un spectacle surprenant : le drapeau tricolore flotte au sommet de la cathédrale. L’auteur de cet exploit ? Michel Dabat, 19 ans, et son ami Christian de Mondragon. Un peu moins d’un an plus tard, le 22 octobre 1941, le jeune Michel Dabat fut fusillé parmi quinze autres otages au champ du tir du Bêle à Nantes, dans le cadre des représailles suite à la mort du lieutenant-colonel Karl Hotz deux jours plus tôt. A l’instar de Guy Môquet, de nombreux jeunes furent abattus ce jour-là.

La Rédac: Pourquoi ce choix de la part des autorités nazies d’exécuter des otages aussi jeunes ?


Loïc le Gac : « Les autorités nazies avaient édicté un code des otages à suivre lors des actions de répression dans les pays occupés. A partir des témoignages, les Allemands savaient que les membres du commando responsable de l’assassinat de Karl Hotz étaient des jeunes. Le code des otages stipulait que certaines catégories de la population devaient être prises en otages en cas d’actions contre l’armée allemande. Ces otages pouvaient donc être des ennemis idéologiques, les communistes, des personnes ayant une proximité géographique mais aussi une proximité d’âge avec les auteurs de l’attentat. »

Qui étaient-ils ?
« Ces jeunes otages tout comme les autres exécutés peuvent être classés en deux groupes: les catholiques et les communistes. Soit les deux communautés où on trouvait le plus de résistants au début de l’Occupation. Les jeunes catholiques appartenaient surtout à la classe moyenne supérieure nantaise et ils travaillaient avec les premiers réseaux de résistance, les groupes Bouvron et Hévin notamment. Leurs actions étaient largement spontanées mais ils s’inscrivaient en rupture avec les autorités religieuses locales qui soutenaient Pétain. Parmi les sympathisants communistes, José Gil était ouvrier aux chantiers navals de Nantes, Maximilien Bastard lui était chaudronnier aux Batignolles et Émile David, mécanicien-dentiste, était un responsable régional des Jeunesses communistes. Tous ces jeunes, comme les autres otages étaient des précurseurs. C’était la résistance avec un petit « r ». »

Quels furent leurs faits d’armes ?
« La journée du 11 novembre constitue un coup d’éclat. Les lycéens de Clemenceau ont demandé à leurs camarades de sécher les cours pour commémorer l’armistice de 1918. Ils ont déposé des gerbes aux monuments aux morts de 14-18 de la ville avant de défiler dans toute ville. La veille au soir, Michel Dabat, élève aux Beaux-Arts, s’est laissé enfermer avec un camarade, Christian de Mondragon, qui n’a que 15 ans, dans la cathédrale. Ils grimpèrent ensuite au sommet de la cathédrale pour y accrocher un drapeau français, par ailleurs interdit par les Allemands. »

Quels furent le retentissement et les conséquences de cette exécution ?
« L’exécution des otages nantais a frappé l’opinion. Bien que n’ayant pas donné l’ordre de mener des actions contre l’occupant, le général De Gaulle a salué le courage des garçons ayant tué l’officier allemand. Sur les ondes de la BBC, le prix Nobel de littérature Thomas Mann a déclaré que l’attentat du 20 octobre contre Hotz et les représailles qui suivirent ont fait entrer la résistance intérieure dans la guerre.

(« En vie, en joue, enjeux. Les 50 otages », Didier Guyvarc’h et Loïc Le Gac. Éditions du CHT. 171 pages. 22 €. )

Propos recueillis par Nicolas Baudriller, Quentin Duval et Henri Pasquet