François Delarozière (compagnie La Machine) : “ Des surprises dans 1 an ou 2 … ”

François Delarozière (compagnie La Machine) : “ Des surprises dans 1 an ou 2 … ”

Le directeur artistique de “La Compagnie La Machine” nous a reçus dans l’atelier de son association. Au-delà de l’ambitieux projet de “L’Arbre aux Hérons”, dans l’ancienne carrière Misery du Bas-Chantenay, en bord de Loire, François Delarozière a évoqué en exclusivité ses autres chantiers.

François, pouvez-vous faire un rappel historique de « La Compagnie La Machine » ?
« La Compagnie la Machine » est née en 1999, à Tournefeuille, près de Toulouse. Elle s’appelait à l’origine « Image Public ». Au départ, l’association regroupait cinq constructeurs qui ont mis leurs outils, leurs savoir-faire et leurs compétences en commun pour répondre à des commandes de chantier. L’association a grandi. Aujourd’hui, « La Compagnie La Machine » est un atelier de construction sur l’Ile de Nantes, avec environ 25 permanents et une quarantaine d’équivalents temps-plein. L’atelier historique, dénommé « L’Usine » est toujours situé à Tournefeuille. Il héberge quelques compagnies de théâtre de rue. C’est un centre national des arts de la rue et de l’espace public. Nous avons aussi un autre atelier qui permet de faire des constructions. On vient de créer un troisième lieu qui s’appelle « Halle de La Machine », à Toulouse. L’association « La Machine Toulouse » y est greffée et elle s’occupe du projet qui est une délégation de service public porté par la Métropole de Toulouse. Cette association gère le cheptel de machines et accueille les plus curieux toute l’année. A Toulouse, il y a aujourd’hui 30 permanents et une centaine d’intermittents du spectacle, qui sont des véritables machinistes donnant vie aux structures de bois et de métal.

Quels sont les projets actuels de « La Compagnie La Machine » ?
Actuellement, en France, quatre villes commandent des machines : La Roche-sur-Yon avec « Les Animaux de la Place », Toulouse avec la « Halle de La Machine », Nantes avec « Les Machines de l’Ile » et Calais, où est présent un dragon. Pour cette dernière, le projet évoluera certainement jusqu’en 2028. Il y a aussi un autre dragon qui se promène en Chine. Il a été acheté par une personne indépendante. On a également d’autres projets en France et à l’étranger. L’Ile de Nantes était, pour nous, comme une page vierge que nos machines sont venues coloniser.

Comment « La Compagnie La Machine » est financée ? Quel chiffre d’affaires ?
Elle se finance exclusivement sur les productions qu’elle réalise et qu’elle vend. Ce sont souvent les collectivités publiques qui commandent des machines ou des spectacles. On en a d’ailleurs cinq qui tournent actuellement. En tant que compagnie de théâtre, on touche aussi des subventions de la part de la Région et du ministère de la Culture. Le chiffre d’affaires de « La Compagnie La Machine » oscille entre 2 et 6 ME, suivant les années.

L’ambition de toutes ces machines était de faire venir les étrangers ?
Au départ non, plutôt de réunir les Nantais. Mais on constate qu’on a de plus en plus de public au niveau national et international. L’Éléphant est devenu une référence à l’international. Quand des Asiatiques voient des machines dans leur pays, ils se renseignent de leur provenance et ils viennent à Nantes pour en voir d’autres. Par exemple à Tapei, on a déjà vu une petite statuette de l’Éléphant dans un salon de coiffure ! C’est devenu une icône internationale. Le travail de « La Compagnie La Machine » vient renforcer l’attractivité des « Machines de l’Île » et inversement. Nantes est au cœur de l’histoire du projet.

Comment « La Compagnie La Machine » a vécu la période COVID ?
On n’a rien ressenti, car on avait déjà des chantiers en cours. L’atelier a continué de tourner. Mais ces derniers mois, une partie des salariés ont été au chômage partiel.

Quel est le lien entre « La Compagnie La Machine » et « Le Jardin Extraordinaire » ?
« Le Jardin Extraordinaire » fait partie du projet des « Machines de l’Ile ». Le Jardin a été implanté pour que « L’Arbre aux Hérons » puisse s’y nicher. Le jardin luxuriant, avec cette cascade, l’escalier, permet déjà au public de faire le tour et d’avoir différents points de vue.

Où en est « Le Jardin Extraordinaire »? Quelles sont les perspectives d’avenir ?
« Le Jardin Extraordinaire » est accessible depuis l’an dernier. La partie qui n’est pas aménagée attend « L’Arbre aux Hérons ». La construction est en cours mais on attend le chiffrage du projet.

Le projet de « L’Arbre aux Hérons » (coût estimé au départ à 35 M€) fait l’objet de débats vifs, avec l’opposition qui parle d’explosion du budget… 
Il faut arrêter avec ça ! On a vu à l’époque des prix balancés comme ça, sans faire d’études. Ce prix est obsolète. Avec les arbitrages qui sont en cours à Nantes Métropole, nous aurons un prix qui sera ferme et définitif. On va laisser Johanna Rolland faire cette annonce. Mais « L’Arbre aux Hérons »  est une œuvre d’art qui a une capacité à évoluer dans le temps, avec l’ajout de branches, un bestiaire qui va s’étoffer… Il va accueillir le Héron qui pourra voler à 40 mètres de haut. Parmi le public, tout le monde  n’osera pas le faire, mais la cîme de l’arbre étant à 35 mètres, le vol du héron sera seulement sur dix mètres plus haut. 

Où en sont les travaux de « L’arbre aux Hérons » ? Il est prévu pour quand ?
Les études du projet ont réellement débuté en 2001. Déjà, les études ont commencé en 2001 puisque l'Arbre fait partie du projet des Machines de l'Ile de Nantes. D'ailleurs, il n'y a pas que l'Arbre. Il y avait initialement une espèce de baleine préhistorique qui ferait le tour de l'Ile de Nantes par la Loire... Le projet est très large en fait… On voulait commencer par l'Arbre aux Hérons au début… Et on a commencé par le Grand Eléphant ! Pour l’Arbre, les travaux sont en cours mais il n’y a pas de date arrêtée à l’heure actuelle pour sa sortie, car tout dépend de Nantes Métropole qui doit prendre sa décision. Ce temps est protocolaire et il y a aussi une expertise juridique à avoir avant de donner le résultat de l’étude financière.

Question bête : pourquoi un « Arbre aux Hérons » et pas aux pélicans ?
Je suis né à Marseille, et j’ai vécu ensuite quinze ans à Toulouse. Dans les années 90, je suis venu à Nantes. À l’époque, je logeais dans une péniche sur l’Erdre. Le héron était une espèce menacée. On a arrêté de les chasser et ils sont revenus. Depuis les fenêtres de la péniche, je voyais régulièrement ces oiseaux. Je les ai associés à la ville de Nantes.

Quand vous avez un projet comme le Héron ou l’Éléphant, à quel moment sentez vous que vous tenez quelque chose ?
Lorsqu’on fait un dessin, on ne sait pas si ça va marcher, si ça va tenir ou pas ! Lorsque j’ai construit le premier géant pour Royal Deluxe, je travaillais dans un endroit désaffecté avec des petits équipements de menuiserie. On a assemblé le mollet au pied et relevé la jambe et le genou à quatre mètres de hauteur. C’était complètement fou ! Quand ça nous dépasse, c’est là que le projet devient intéressant. On attend cela aussi de nous. J’imagine que ceux qui construisaient un bateau à l’époque devait avoir la même sensation.

Plusieurs créatures sont en construction dans vos ateliers. Où en sont le Paresseux ? Le Colibri ? Le Caméléon ?
C’est une matière en mouvement. Certaines machines iront sur l’ « Arbre aux Hérons », d’autres dans le laboratoire des « Machines de l’Ile », d’autres vont seulement servir de prototype. On continue actuellement de fabriquer les colibris. Le tout dernier arrivé est un caméléon qui arrive à attraper une mouche métallique. Sa langue est plus grande que son corps. C’est une prouesse technique. L’animal ira sur l’Arbre. L’araignée sera placée en-dessous. Tout évolue au fur et à mesure des arbitrages et des nécessités artistiques et budgétaires. On ne peut pas dissocier l’artistique du budget.

Quels sont les prochains spectacles  ? Un petit scoop sur les futures créatures ?
Il y a plein de futures créatures en cours, car on travaille avec d’autres villes françaises et étrangères. Mais ces projets sont sous silence pour l’instant. Je ne peux rien vous dire ! Mais les Nantais risquent de voir des surprises apparaitre dans un an ou deux… Ce qui est sûr, c’est que cet été, nous allons inaugurer un nouveau fond de mer à Calais. Le spectacle s’appelle « Le Dragon de feu ». Le Dragon de Calais va projeter des feux d’artifice sur toute la plage.

Dossier réalisé par Hugo Couteau et Mikaël Berthommier