Ifsi Nantes mobilisé, un collectif d’étudiants soignants unique en France

Le « collectif ESI Nantes » (étudiants en soins infirmiers) s'est créé dans le contexte de la mobilisation sociale contre la réforme des retraites. Un petit groupe d'étudiants était parvenu à gagner le droit de grève appuyé par la pression de la CGT CHU sur la direction de l'école. Lors de la manifestation du 16 février, ils étaient une vingtaine à battre le pavé nantais, derrière la banderole : « Ifsi CHU Nantes ; L'hôpital s'effondre, les étudiant.e.s répondent ». Dès le début, ils se sont fait les porte-paroles de revendications larges, des retraites à la situation dans leur formation et dans le monde soignant en général. Après plusieurs manifestations, le groupe d'étudiants décide de se constituer en collectif début mars. Il réunit aujourd'hui trente à quarante jeunes. Lisa* explique les motifs de sa création : « Au sein de notre formation, on ne parvenait pas à se défendre, on a des délégués, mais c'est insuffisant. On dénonce l'organisation avec la direction, les maltraitances en stage, nos conditions de travail, mais aussi le sexisme, le racisme... On est aussi de futurs soignants, donc on se mobilise contre la situation critique des hôpitaux. Avec les conditions actuelles, même les soignants nous disent de partir et d'arrêter la formation ! Ces situations sont inacceptables, on ne doit pas se laisser faire ».

Un collectif de lutte unique dans son domaine

Parmi les Ifsi, en France, ce groupe est unique en son genre. Autonome vis-à-vis de la direction de l'Institut et des organisations syndicales, le collectif est auto-géré par les étudiants qui le composent. Ils se réunissent en réunion et en assemblée générale pour discuter de la situation dans leur formation, discuter de l'état du monde soignant et s'organiser pour lutter. Ouvert à l'ensemble du monde de la santé, ils s'investissent pour leur formation, leur avenir et leurs futurs collègues. Alors que les soignants peuvent difficilement protester sans mettre des vies en danger, les étudiants souhaitent porter leurs problématiques dans la rue. Ils ont d'ailleurs initié une assemblée générale le mardi 4 avril à l’intention du personnel du CHU : « On avait l'objectif de faire du lien, apporter notre soutien. Il y a beaucoup de culpabilité dans le monde de la santé concernant les mobilisations. Y prendre part c'est perçu comme délaisser ses patients et ses collègues. Nous, pour contrer cette logique, on est allé discuter, diffuser des tracts pour favoriser le lien entre soignants et étudiants » explique Lisa*.

« Santé-sociale unis dans la bataille »

Le collectif ne se restreint pas à l'école et souhaite se rapprocher des différents secteurs de la santé. Des liens se sont créés avec des étudiants de l'ARIFTS (Association Régionale Institut de Formation en Travail Social), ils ont décidé de participer à la manifestation du 6 avril dans un cortège commun et une banderole unitaire : « Santé-sociale unis dans la bataille ». D'ailleurs, au gré des rencontres, des assistantes sociales au CHU ont découvert le collectif ESI. Elles disent apprécier leurs initiatives : « Au CHU, on est noyé par les soignants. L'idée de se rassembler autour de professions qui font corps : infirmières, assistantes sociales, les écoles, et de porter nos voix, c'est hyper intéressant ! ». Les liens ne s'arrêtent pas là. A plusieurs reprises, les étudiants mobilisés du campus de sciences humaines sont venus à la rencontre des étudiants ESI pour discuter et soutenir leurs actions. On les voit avancer côte à côte pendant les manifestations.

Le collectif souhaite maintenant renforcer ses relations avec le personnel soignant du CHU. Il devrait pouvoir compter sur la CGT, qui les soutient depuis le début. Elise, infirmière et élue CGT du personnel soignant, l'affirme : « On se retrouve dans leurs revendications, on a tout intérêt à être à leurs côtés. Si les étudiants veulent rencontrer les soignants, c'est aussi préférable de passer par des représentants syndicaux. Les jeunes sont dynamiques, on a besoin d'eux, il faut qu'on soit solidaire ». Dans un monde soignant en crise, le collectif ESI Nantes dynamise une lutte mise sous cloche après les mobilisations de la fin d'année 2022.

*Prénom de substitution