Insertion et handicap mental : le rôle d’un accueillant familial thérapeutique

Face à la question encore taboue dans notre société du handicap mental, il existe une profession dont le rôle est d’accueillir chez soi, 24h/24, un patient. Le but est de lui donner la possibilité de cultiver un lien social. Anne* et Sylvie* sont deux accueillantes familiales thérapeutiques pour adultes basées en Loire-Atlantique. Elles se confient sur leur quotidien, hors du commun.

Insertion et handicap mental : le rôle d’un accueillant familial thérapeutique
Le rôle de l'accueillant familial thérapeutique consitue un pas vers l'autonomie

C’est super ! Mais moi je ne pourrais pas”, combien de fois famille, proches ou connaissances ont-ils prononcé ces mots à l’annonce de ce nouveau métier ? Il faut dire qu’héberger un inconnu chez soi, près des siens, sans trop savoir dans quoi on se lance, ce n’est pas fait pour tout le monde. Et pourtant, Anne et Sylvie ont décidé, respectivement depuis 1 an et 1 an et demi, de sauter le pas. Si Anne exerçait déjà dans le milieu hospitalier et social, c’est une totale reconversion pour Sylvie qui travaillait dans le secrétariat en entreprise.

Au cours de longues réflexions et discussions avec chacun des membres de leur famille, il est important de s’assurer que tout le monde vivant dans le foyer soit d’accord. S’ensuit une série de rendez-vous avec le personnel médical de la structure où réside le patient. Psychiatres, infirmiers, psychologues évaluent la faisabilité du projet selon le profil du prochain accueillant, l'accommodation de l’habitat et autres facteurs, afin de déterminer - si le projet est convaincant - quel accueilli pourrait se plaire chez quel accueillant. Après la délivrance de l’agrément, plusieurs sessions de rencontres tests ont lieu avant de plonger finalement dans l’aventure. 

 

La maladie mentale : apprendre à vivre avec

 

L’accueil familial est synonyme de responsabilité, notamment car il faut parfois donner les médicaments au patient plusieurs fois par jour. Certains patients sont suffisamment autonomes pour les prendre eux-mêmes et d’autres n’en ont pas besoin quotidiennement. Les médicaments sont d’ailleurs ici pour stabiliser l’état de la personne atteinte. Tout en sachant que le handicap mental et psychique (pathologies perturbant la personnalité) ne peut pas être soigné mais bien compensé par un accompagnement humain et un environnement adapté.

Les causes de la maladie mentale peuvent être génétiques, mais aussi liées à des troubles dépressifs, anxieux, bipolaires, schizophrènes, hypocondriaques, post traumatiques etc. En France, 6,6% de la population souffre de déficience intellectuelle. Face à ces troubles, les accueillants sont formés pour savoir comment réagir à d’éventuelles crises. Les centres hospitaliers spécialisés répondent présents au moindre problème : “Je me sens bien entourée”, explique Anne. 

“Je me plais ici, c’est très calme”

 

L’objectif principal de l’accueil familial thérapeutique est de proposer à un patient une alternative à l'hospitalisation en psychiatrie, en ayant la possibilité de vivre au sein d’une famille pour peu à peu se réinsérer dans la société. “Le partage d’un savoir collectif, les intéractions avec les proches, la participation aux tâches de la vie courante, participent à ce processus”, détaille Sylvie. Laurent*, 27 ans, l’accueilli vivant chez Anne, est lui dans la capacité de travailler en journée 4 jours sur 7 en Établissement et service d'aide par le travail (ESAT). Issu lui-même du milieu agricole, il s’occupe des espaces verts. Il perçoit alors un salaire. Laurent est satisfait de son accueil familial. “Je me plais ici, c’est très calme, à la campagne et il y a des animaux”. 

Ligne ténue entre libertés et contraintes

 

Sylvie, elle, est en plein changement d'accueilli. Après plus d’un an et demi avec une patiente, elle a senti le besoin d’un nouveau challenge. Elle accueille désormais Christophe* pour une durée toujours indéterminée. En ce qui concerne les vacances et repos des accueillants, cela se prévoit en amont pour pouvoir transférer leur patient dans une famille relais. D’un certain point de vue, le métier s’apparente à de grandes libertés dans la mesure où il se déroule à domicile et où l’on peut organiser son temps comme on le veut. C’est d’ailleurs un des avantages majeurs de la profession.

Pour autant, avoir la responsabilité d’une personne 24h/24 implique des contraintes telles que le fait de ne pas pouvoir la laisser seule trop longtemps ou de ne pas avoir ses weekends. Il est donc parfois difficile de trouver l’équilibre entre temps libre et travail. “On a toujours une voix dans notre tête, jamais de réel repos. Cela engendre parfois un sentiment de culpabilisation notamment le weekend lorsque je reçois du monde par exemple et que je ne peux pas m’en occuper autant qu’en semaine”, développe Anne. Ce qui est sûr c’est que chaque accueil familial est différent selon l’accueilli et l’accueillant. Chaque expérience est totalement unique, le rythme de l’adaptation l’est aussi. Il n’y aucune règle gravée dans le marbre avec cette profession. 

Anne et Sylvie consacrent donc la globalité de leur temps et leur énergie à la vie d’autrui, dans le besoin. Un métier de pur altruisme qui tend à se développer, bien que méconnu. Seulement 67 accueillants couvrent la Loire-Atlantique pour 102 places.

*les prénoms ont été changés