Le 49-3 : passage en force de la réforme des retraites ?

9 voix. 9 voix manquent à l’Assemblée nationale pour annuler l’utilisation du 49-3 sur la réforme des retraites. La motion de censure déposée par Liot (Groupe de Liberté indépendants, outre-mer et territoires) vendredi 17 mars n’a pas été signée par la majorité des députés lundi 20 mars. Les extrémités de l’hémicycle tremblent, hurlent et appellent à la mobilisation pour dénoncer la bête noire : l’article 49-3 de la Constitution.

Le 49-3 : passage en force de la réforme des retraites ?
L'Assemblée nationale au cœur de la réforme des retraites / ©Mathieu Delmestre

Jeudi 16 mars. Il est 15h20 lorsque Elisabeth Borne, Première ministre, annonce non sans mal à l’Assemblée nationale avoir recours à l’article 49-3 pour faire passer la réforme des retraites. Loin du calme de Matignon, sous une vague de huées de députés de l’opposition, face à une marée de pancartes  “64 ans, c’est non” brandies par le groupe LFI.  “On ne peut pas faire de paris sur l’avenir de nos retraites. Cette réforme est nécessaire”, clame la cheffe du gouvernement avec détermination.

C’est la 11e fois qu’elle l'utilise depuis sa prise de fonction en juin 2022. Elle arrive alors à la deuxième place du classement des ministres s’en étant le plus servi sous la Vème République. L’article 49 alinéa 3 de la Constitution a été activé une centaine de fois depuis le début de la Ve République.

Ardemment décriée, elle a été révisée en 2008. Depuis, son usage est limité à un projet ou une proposition de loi par session parlementaire, hors... projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

Le 49-3, un article démocratique ? 

Certains l'appellent l’arme nucléaire législative, d’autres parlent de passage en force : l’article 49-3 n’a rien du soft-power. 3 chiffres derrière lesquels se cache une tourmente, une peine de majorité. Au rond point du Leclerc Paridis, à Nantes entre palettes et pneus qui prennent feu, ce représentant du syndicat CGT de Nantes Métropole en a ras-le-bol. «C’est un déni de démocratie, le 49-3 c’est antidémocratique. Une fois de plus, Macron gouverne tout seul, n’entend rien, il n’entend pas ceux qui sont dans la rue depuis des mois. Partout, on voit bien que l’opinion publique est contre cette réforme. Pour autant, il ne veut même pas discuter, ne veut pas nous rencontrer. Il ne tient pas compte de l’avis des Français.» 

Motion de censure déposée, motion de censure échouée

Lundi 20 mars, la France attendait impatiemment mais avec une certaine résilience 18h45 pour savoir si la motion de censure Liot (Groupe de Liberté indépendants, outre-mer et territoires) allait obtenir la majorité absolue à 287 voix.

Charles de Courson, député liot a défendu ses arguments lors de la séance de débat avant le vote pour essayer de convaincre les députés LR, la clé de la réussite de cette motion. Sans réussite. Il a manqué 9 voix pour atteindre cette majorité absolue. 20 députés LR ont suivi Aurélien Pradié qui avait énoncé plus tôt dans la journée voter la motion. 

Un résultat mal vécu par les députés de la France Insoumise, brandissant des pancartes «RIP» : Référendum Initiative Partagée. En sortie d’audience, Jean-Luc Mélenchon appellait alors à la mobilisation au micro de LCP : «Par la grève, par la manifestation, par le rassemblement : il faut obtenir le retrait du texte puisqu’on n’a pas pu l'obtenir, et de si peu, par des votes normaux dans une Assemblée»

Principe que valide et confirme le syndicaliste de la CGT : «Le mouvement intersyndical prévoit déjà des actions la semaine prochaine. La fin, c’est le retrait de la loi. Il faut espérer que les députés entendent ce que disent les gens dans la rue et que lundi, le gouvernement soit démis».   

Une nouvelle encre se pose sur le texte de réforme 

Le 6 février dernier, c’est 20 000 amendements qui ont été déposés par les députés à l’Assemblée nationale. Suite à son voyage au Sénat puis en Commission Mixte paritaire, le texte n’a plus la même allure qu’à ses débuts. Le but ? Adoucir l’impact de cette loi et la rendre juste. Par là, des décisions arrangeantes pour des situations spécifiques, certains pourront partir “plus tôt”

  • La condition de la femme améliorée : une surcote (majoration de la retraite) est mise en place ;

  • Pour ce qui est des carrières longues, un âge de départ anticipé est créé dans le cas où 4 ou 5 trimestres ont été réalisés (correspond à 43 ou 44 années de travail). Tout dépendra de l’âge auquel le travailleur commence sa carrière ;

  • Des mesures expérimentales trouvent aussi refuge dans les lignes de la réforme. On parle de CDI senior, en vue d’un éventuel accord interprofessionnel, pour aider les chômeurs de plus de 60 ans à trouver du travail ;

  • Tout ceci ponctué finalement par une potentielle clause de revoyure courant 2027.

Reste à savoir si ces arrangements vont suffirent aux partis de l’opposition et à la population pour accepter cette réforme. Pour l’instant, le temps est à la grève et à la manifestation. Citoyens des quatre coins du pays, ils descendent les allées pour exprimer leur mécontentement, une nouvelle fois. L’espoir d’être entendu.

Elsa Dizier et Lucas Rouland

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