Réanimation de nuit : les soignants de Nantes à l’agonie

Elles ont entre 25 et 51 ans et travaillent toutes en réanimation de nuit au CHU de Nantes. Elles subissent chaque jour la mauvaise gestion du service, le manque de moyens ou de personnel jusqu’à mettre en péril leur propre santé. Personnel soignant de nuit, elles sont 13 à dénoncer leurs conditions de travail.

Réanimation de nuit : les soignants de Nantes à l’agonie
Les soignants de réanimation de nuit manifestaient déjà en 2020 pour alerter sur leurs conditions de travail.

Arrivée 19 h 15, départ 7 h 15. Voilà les horaires des soignants de nuit en réanimation au CHU. 12 heures de travail, avec seulement 9 infirmières pour 30 patients. Un nombre de personnel totalement sous-estimé, d’autant plus quand la loi en prévoit 3 supplémentaires dans les services (le décret relatif aux établissement pratiquant la réanimation prévoit 2 infirmiers pour 5 patients.) Un rythme d’enfer avec des patients et des machines particulièrement lourdes. Des services surchargés et des soignants à bout de souffle alors que le département de la Loire-Atlantique est un département sous-doté en lits. Pas étonnant donc que sur les 13 soignantes interrogées plus de la moitié d’entre-elles aient déjà été en arrêt de travail voire en burn-out. “On a l’impression d’être des pions sans vie privée », confie Valentine, “on fait notre travail, on peut être rappelé sur nos congés, pour aucune reconnaissance de nos supérieurs”.

Un service profondément en crise  

« L’hôpital subit depuis longtemps une austérité budgétaire, le ratio soignant-soigné n’a pas évolué et le passage au travail en 12 heures est un choix de fuite », résume Olivier Terrien, responsable CGT. On observe selon lui “une augmentation massive de l’épuisement professionnel”, il rappelle également que la fatigue après 12 heures de travail accumulé est équivalente à une dose élevée d’alcool dans le sang. “Si on ne confie pas à nos vies à un chauffeur de bus alcoolisé qu'en est-il de l’attention du personnel après 12 heures debout ? ». En effet, après une nuit de travail, la fatigue engendrée chez les soignants reviendrait à avoir un taux d'alcoolémie de 0,4 à 0,5 gramme d'alcool par litre de sang. “On ne peut pas gérer l'hôpital comme une entreprise et demander à des soignants de s'occuper de patients comme de simple de produits”, dit Anne-Laure, infirmière. 

Un fossé qui se creuse au sein du personnel 

Pour Anne-Sophie, “le dialogue se fait dans le vide, l’écart entre le personnel jeune et plus âgé est grandissant : difficulté de discussion, mentalité différente et pratiques qui s’opposent plus qu’elles ne se complètent. ”Si le CHU de Nantes forme de jeunes infirmières et infirmiers, il peine à les fidéliser créant un grand turn-over, source une nouvelle fois de fatigue pour les équipes. Comme l’explique la CGT, le temps de transmission, pourtant important, concernant la prise en charge des patients ou les pratiques de chacun a été supprimé depuis plusieurs années, dans un souci “d’économie”. 

 

Louise Dugast